Histoire
Sorti de l’œuf il y a plus de trente ans, Veezari jouit de ses jeunes années passées au Marais Noir, près de la cité de Rosenoire. Il y passa son rite de nommage, consistant en une épreuve avant de lécher un arbre à Hist afin de recevoir son nom. Après quelques années, il passa des classes militaires afin d’être capable de se défendre seul et d’explorer davantage un monde dont il ignorait tout. Premièrement localisé au Marais Noir, il finit par prendre un poste plus sédentaire et profita du savoir de son peuple en termes de magie pour l’utiliser selon ses préférences, à la manière du protecteur qu’il était devenu. Huit années de loyaux services avant qu’il ne rencontre un peu par hasard celle qui bouleversa son existence même, comme si le Hist les avait rapprochés. La promise du nom de Weedum-Ja partageait un goût certain pour l’aventure, si bien qu’une fois cinq années d’union s’écoulèrent, tous deux quittèrent le Marais Noir afin de se rendre en Borziel.
Cependant les sentiers même balisés ne sont pas à l’abris de mauvaises rencontres et, alors que l’argonien s’était absenté le temps de récupérer du combustible dans un bosquet, sa promise fut attaquée par des bandits de grands chemins qui n’hésitèrent pas à trancher dans le vif, ne récupérant qu’un maigre butin, seules possessions de deux voyageurs modestes. Malgré leur barbarie, les tueurs ne laissèrent que trop peu d’indices à Veezari pour entamer une poursuite punitive qui se serait de toute manière certainement soldée par sa propre mort, vaine et affligeante. Afin de respecter leur rêve commun, poursuivit la route, le cœur meurtri et empli d’un désir fou de vengeance jusqu’à parvenir au pied des Montagnes Neigeuses.
Le blizzard s'intensifiait en ce désert de neige inhospitalier parsemé de crevasses et cavités en tout genre. Le phénomène semblait un voile blanc impénétrable. A croire que seul le méritant était habilité à se rendre à destination. Ses jambes entravées par la poudreuse peinaient à le conduire. Malgré la lenteur de la progression, l'avancée se voulait soutenue. Ce n'est qu'après un long moment que devant lui, le voile se déchira, essoufflé, s'abattant progressivement sur le sol. De cette violente entité, une imposante bâtisse surgit, figée dans l'espace, dévisageant implacablement tous ceux qui croisaient son regard.
C'est cependant d'une volonté certaine qu’il s’en approcha, prenant conscience de son allure à chaque nouveau pas qu’il portait en sa direction. Malgré l'empressement de trouver un abri en ces murs, il ne put se retenir de s’arrêter et d'observer avec le plus grand soin les lieux, malheureusement fortement encombrés par la neige et multiples couches de glace alentours.
La bâtisse semblait un monastère bien que la structure fasse aisément penser à une place fortifiée. Le fait était que le tout était intégré dans la roche montagneuse, soutenu par d'imposants piliers taillés dans le minerai millénaire. Les murs se démarquaient par leur ton sombre ornés de quelques meurtrières bienfaitrices. Le froid le ramenant à sa première priorité, Veezari se précipita tant bien que mal vers l'enceinte de l'établissement. Frappant à la porte imposante, il sentit alors le geste raisonner contre les murs internes. Au même moment, une planche glissa laissant s'infiltrer la neige tombante par ce boyau faisant office de soupirail. Une silhouette semblait l’observer, meurtri par le froid. La planche retrouva son emplacement d'origine au même instant, ne laissant plus que le vent se présenter à son ouïe. S’entendit alors un lourd verrou se mouvoir avant que l’imposante porte ne l’invite à pénétrer les lieux, grinçant sur ses gonds.
S’immisçant dans ce qui devait être un grand hall, ses yeux toujours sous l'influence de la luminosité extérieure ne purent le rassurer tandis que le vent s'engouffra sans gêne aucune, le poussant davantage dans l'obscurité jusqu'à ce que la porte n'interrompe l'indésirable visiteur, dans un claquement sourd. Une silhouette dont il reconnut vaguement les traits se présenta alors, son apparence prenant une forme plus concrète avec le temps.
- Soyez le bienvenu en ces murs voyageur, rares sont ceux qui, étrangers à notre modeste communauté se rendent en ces lieux. Je ne cacherai que notre humble temple n’a rien d’une demeure de grand confort, mais je vous en prie, suivez-moi.Etrangement, les mots se dérobèrent sous sa langue, se contentant de glisser au fond de son esprit, sans ne jamais vibrer de son fait. La fatigue sembla enfin s'imposer, les pensées s'évadant de ses pas dénués d'une réelle volonté. Constatant l’état second du nouvel arrivant, le résidant le conduisit dans une aile isolée du temple.
Ils croisèrent quelques hommes en bure, ceinturée d'une piètre corde, pour la plupart usée par le temps et l'usage sans pour autant rechercher leur regard, toujours guidé par son hôte. En peu de temps, il fut invité à pénétrer une pièce peu spacieuse au confort certain. Une couche généreusement fournie en paille, la lumière du jour filtrant à travers le verre d'une teinture huilée et un tabouret tenant sur trois pieds, résistant implacablement à la chute fatale grâce au mur mêlant pierre et tapisserie rapiécée. Sans faire attendre l'homme au regard amical, il s’effondra simplement sur la couche dont la paille sèche craqua sous le poids conjugué du corps et de l'équipement, se lovant dans les bras de Morphée.
Le jour se levait dans le temple, laissant une lumière immaculée prendre possession de la chambrée dont l'intensité éveilla le voyageur. Par réflexe il porta ses mains à ses yeux. Il lui fallut d'ailleurs un moment à se remettre avant qu'elle lui soit tolérable. Le même homme se tenait devant lui, mains sur les hanches, roulant des yeux, le pensant encore ébloui. Seul un grognement s'échappa de sa bouche, constatant envieux la couche qu'il fallait dorénavant quitter.
Une fois levé, et malgré un attirail complet sur le dos, il ressentit la température glaciale du sol de bon matin, ce qui lui fit davantage regretter la paille accueillante.
Mené par le perturbateur, Veezari accéda, au détour de couloirs corridors et autres passages creusés dans la roche, à l'une des bibliothèques de l’établissement, sous l'oeil vigilant de l'accompagnateur. Le curieux exprima le souhait de consulter les archives et manuscrits curieux d’histoire qu’il était. En parcourant la "pièce", il remarqua le nombre incalculable d'ouvrages entreposés. Tous les sujets sont d'ailleurs traités, histoire, journaux de bord, herboristerie, ébénisterie, artisanat, minéralogie, et autres domaines. Une allée l’intrigua, dérangée, disposant d'écrits singuliers illustrés sous diverses formes et y trouva un livre semblant correspondre à ses critères de sélection. Une couverture de cuir usé ornait l'ensemble, témoin des dégâts provoqués par les voyages de son premier propriétaire. Il s’empara de l'objet de ses désirs, impatient de dévorer ces écrits qui le narguaient de leur seule présence. C'est en détaillant les pages qu’il constata l'ampleur des dommages subis par la dite chose. Nombre de supports n’étaient plus, arrachés ou réduits à un patchwork d'alphabet délavé dont la richesse, enrayée ne provoquait en lui qu'un long soupir étouffé par une colère en demi-teinte.
Bien qu'en partie, certaines pages étaient compréhensibles.
Cela traitait d’un homme de pensée reconnu de l’époque qui, après maintes voyages et études pour comprendre les raisons de l’apparition de conflits armés, avait dérivé dans le recensement pur et simple de ceux-ci. La plupart du temps, il s’agissait de manifestations de colère débitant d’histoires banales et sans vraisemblance ; des raisons incroyables et désolantes dont l’apparition avait tant de conséquences.
Veezari interpella l'un des hommes en bure non loin, absorbé par sa lecture dont il parvint non sans mal à l'en tirer d'un léger tapotement d'épaule répété lors de multiples tentatives. Ce dernier, pris au dépourvu par ce contact décrocha un formidable coup de coude venant se loger dans le creux de son estomac, lui infligeant par la même occasion un haut le coeur avant de s’effondrer inerte sur le sol pavé.
Ce n'est que dans le courant de l'après-midi que le visiteur se remit du coup qui l'envoya misérablement au tapis, sans qu'aucune occasion pour lui de s'exprimer ne se présenta dû à l'instantanéité de la chose. Il s'éveilla, la lumière filtrant les vitraux d'une pièce sombre aux allures de bureau. Il avait été disposé là, inconscient, adossé à un fauteuil recouvert de peau de bête d’une riche odeur et recouvert d'une cape épaisse digne de la meilleure literie. L'homme observa la pièce d'angle à arête. Le bureau, plongé dans la pénombre semblait animé par une simple bougie disposé en un support de bois taillé à l'effigie d’une quelconque divinité.
Son odorat le conduit à une corbeille dans laquelle avaient été disposés quelques fruits provenant des basses-terres, posée sur un buffet aux ornements taillés par ce qui dut être un ébéniste reconnu. Les motifs s'entrelaçaient sans peine, d'un mouvement irréel semblant un amoncèlement de serpents enchevêtrés avec complexité de sorte que si l'on y attardait le regard, l'illusion produite donnait vie aux traits, nervures veines et palpitations du bois vernis et poli.
La faim venait malheureusement à bout des plus belles choses, les rendant aussi désuètes qu'invisibles à celui qui, happé par le doux appel des mets présents, ne voyait plus là qu'un meuble recouvert de poussière et objets hétéroclites, bougeoirs, parchemins, plumes et encriers arborant quelques dégueulis de cire rouge fondue, tombée par mégarde lors de la pose d'un sceau sur un pli destiné à un quelconque récepteur qui prendrait grand plaisir à l'en délivrer.
Saisissant un fruit, puis un autre, mordant avec acharnement sur ce festin inespéré, le bon portant remarqua une ombre dansante sous le pas de la porte en bois de chêne, communiquant avec le reste du temple. Sa curiosité ne l'empêcha pas d'engouffrer une pomme couleur d'automne dans sa cavité buccale. Le temps de quelques battements de mâchoire et seule la queue, élément indésirable quitta la bouche de l'intéressé avant que ce dernier ne se décida enfin à se diriger vers l'ouverture. Au fil des enjambées, il pouvait entendre un murmure évoluant un enchaînement rapide de paroles floues jusqu'à percevoir quelque prière. En ouvrant la porte, un bonhomme chétif apparut, cheveux ébouriffés faisant les cents pas devant l'entrée. Ce dernier semblait s'adresser à lui-même avec une inquiétude déconcertante, débitant un flux de paroles continu et tellement rapide que leur sens semblait aussi trouble que les abords d'un étang à la terre bousculée. Les caligae qu'il portait frappaient le sol en rythme, formant sur sa surface de longues traînées témoignant du temps passé à pratiquer cette danse aussi nerveuse qu'incontrôlée. La vision et surtout le bruit occasionné par cet homme tracassé faillit le faire sortir de ses gonds et c’est donc en prenant une grande inspiration qu’il prit sur lui-même pour ramener l’agité à la raison. L’homme en question sursauta à nouveau tandis que son observateur, craignant que le scénario se répète, se dégagea avec prudence. Le résident retrouva ses esprits suite à une rechute et tint à se faire pardonner de son précédent geste. Il n’en fallut pas plus pour qu’une idée simple germe en son esprit et tandis qu’il s’apprêtait à formuler sa demande, l’homme s’adressa à lui.
- Le grand Maître t’attend initié ! Mais tout d’abord, tu dois revêtir l’habit traditionnel de notre communauté ! Rejoins nos rangs et le haut Granaba saura récompenser ta foi à travers ton sacrifice !A ces mots, l’invité comprit qu’il avait mal choisi son abri temporaire et, paniqué, s’empressa de quitter la pièce, bousculant au passage le disciple. D’autres s’apprêtaient à rejoindre la salle commune tandis que Veezari traversait la bâtisse. L’entrée, aussi impressionnante que de l’extérieur était à sa portée. Il lui fallut marquer une pause pour dégainer son arc et le bander, avant que sa flèche daigne se loger dans le bras du surveillant qui s’apprêtait à l’attaquer.
Le moine s’effondra tandis que le fuyard s’extirpa des lieux, faisant à nouveau face au froid. Heureusement, le blizzard s’était levé, lui permettant de trouver un sentier sûr et traverser la montagne. Il apprenait plus tard qu’en divers lieux se trouvaient des regroupements d’illuminés priant des faux dieux.
Après un long transit au cours duquel il rejoignit les compagnons, l’argonien entendit parler de la cité d’Olden, neutre de son état et disposant d’un autel dédié au dieu Diagra, auprès duquel il trouva un guide pour contenir la rage qui le consumait, afin de la revaloriser en une volonté qui lui permettrait à la fois de vivre dignement et de soulager sa peine.
Aujourd’hui, il vit d’itinérance en attendant que le hasard au croisement d’un chemin daigne lui offrir de nouvelles opportunités.