Histoire
Je suis née dans un campement de nomades, non loin de Centimer dans le désert aride. Ma mère m'a baptisé Eireen et m'a élevée pour que je devienne une bonne épouse, ce que je suis devenue à l'âge de 15 ans. J'ai épousé un marchand gras et chauve qui ne voyait en moi que la dot qu'il obtiendrait. Il était riche, mon père aussi, ce fut un beau mariage.
Trois années durant, j'ai tenu ses comptes, géré les commandes et la clientèle. La quatrième année, il m'a permis d'ouvrir un petit commerce d'herboriste attenant à sa boutique. Ma mère m'avait appris les bienfaits des plantes et je voulais en faire profiter les autres. Ajoutez à celà les connaissances que j'avais accumulées pendant trois ans en matière de marchandage et bientôt les affaires devinrent florissantes. A l'inverse, celle de mon mari se mirent à décliner. Il s'endetta, hypothéqua l'herboristerie lorsqu'il ne lui resta plus rien et finit par tout vendre.
La cinquième année, après une nuit de beuverie, il faillit me tuer. Sa main s'abattit sur moi et ma tête frappa le sol, je perdais connaissance et ne me réveillait que cinq jours plus tard. Cela continua. Jusqu'à ce que je finisse par planter mon couteau dans sa carotide et qu'il crève en emportant avec lui mon oeil gauche.
Ça, c'était l'avant. Et si vous voulez vraiment savoir, je n'ai pas de rancune envers ma mère pour m'avoir marier à ce type, ni même envers lui parce qu'au début il était presque gentil avec moi. Non, si j'ai de la rancune c'est pour cette putain de vie qui finit toujours par vous entuber un jour ou l'autre.
Après, j'ai fuit. Les compagnons, garant de la paix à Centimer, me recherchaient; on avait mis un prix sur ma tête, je n'avais pas d'autres choix. Le désert était ma seule porte de sortie et je savais qu'on pouvait y survivre.
Plus tard, j'appris que ma mère s'était laissée mourir de chagrin et que le campement avait été dissous par les compagnons. Ceux-là croyaient que les aïeuls inculquaient aux enfants des valeurs à l'encontre des leurs et ils chassèrent tout le monde.
Je rencontrais Khäak après une semaine et nous ne nous quittèrent plus.
Ce qu'il advint de nous dans le désert ne peut être raconté. Il s'agit d'une époque de ma vie sur laquelle je préfère garder le silence. Toujours est-il qu'en l'espace de quelques mois, je fis plus de mal que j'avais pu le faire en vingt ans.
Lorsque ma haine se tarit, je ressortis des dunes, tatouée comme vous me voyez aujourd'hui, bronzée et endurcie. J'avais laissé mon enveloppe de jeune fille fragile au souffle ardent du désert pour endossé le costume de la guerrière. Je parlais peu, buvais beaucoup sans jamais tomber dans l'excès et me battais dans les coins les plus sombres de Centimer. Je gagnais souvent, et ma bourse gonfla doucement.
Puis les Compagnons finirent par m'attraper et me laissèrent deux alternatives: l'exil ou l'enrôlement. Je choisis la deuxième, trop attachée à une terre que je n'avais jusqu'alors jamais quitté. On m'accueillit comme n'importe quel novice quand bien même mes prétendus idéaux n'étaient pas aussi nobles que les leurs.
Encore aujourd'hui, je fais le travail qu'on me donne, ni plus, ni moins. Non pas que je n'aime pas faire le bien, mais le faire au nom d'une guilde me lève la peau.
Alors lorsque mon service se termine, je quitte mon uniforme, prend mon sabre et devient Belle-Epine. Les gens m'appellent ainsi parce que je suis comme la rose, aussi belle et aussi dangereuse. Il m'arrive de tuer quelques brigands au détour des ruelles, mais la plupart du temps, je raconte des histoires aux enfants et je soigne leurs parents.
Parfois, lorsque vient le soir, des souvenirs me reviennent. Alors, je fuis, encore et regagne le désert. Plus mon absence est longue, plus la sanction est sévère. Mais, je vais vous dire quelque chose. Aussi dure soit la punition, je continuerais de courir avec le vent dans les dunes, car là-bas, la vie n'a aucun pouvoir, seule la mort en a. Et je ne crains pas la mort.